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samedi 15 février 2020

Ca ne date pas d'aujourd'hui !!!!


Dimanche dernier, passant aux Puces, je tombe sur un recueil des « Annales Politiques et Littéraires», « Revue universelle paraissant le Dimanche ». Recueil datant de 1911. Infoutu de résister aux vieux papiers, je pars avec (après paiement !!) Et je le parcours dans la semaine.
Et, dans un des numéros reliés, je tombe là-dessus (l’éditorial du « Bonhomme Chrysale). Tellement d’actualité, 103 après, que je le scanne et vous le fais partager. D’autant qu’il relate un « scandale » concernant Marie Curie et Paul Langevin (les commentaires en bleu et en italiques sont de ma personne, suivant une technique empruntée sans vergogne à l’ami René Merle)

Le fameux   mur   Guiîloutet  (Auteur de l'amendement de la loi d'avril 1868 sur l'interdiction faite aux journaux de s'occuper de la vie privée de qui que ce soit. Le personnage en question avait épousé sa cousine, comme Mme Boutin qui a épousé son cousin germain. Ceci expliquant sans doute cela !!) n'existe plus : le reportage moderne l'a renversé.   La   vie   privée,   le   home, sacré chez les Anglais (date donc de 1911 !!), n'ont plus de secrets pour le public. Pour peu qu'un évènement quelconque mette un monsieur ou une  dame  en évidence,  les journaux étalent tout au long sa vie, ses habitudes, généalogie, les détails intimes de son existence familiale; sa maison est envahie une nuée de reporters, qui l'interrogent, lui et les siens.   Pendant   qu'un   intrus fouille dans son secrétaire et inspecte sa garde-robe, un autre confesse la cuisinière, un troisième   interroge   le  cocher   ou   le cierge. Le soir, tous les renseignements recueillis sont minutieusement reproduits, commentés,  aggravés  dans  les  journaux à fort tirage.
Généralement, — et ceci est très significatif, — les victimes de cette inquisition nouvelle ne songent pas à s'en plaindre, l’amour   de   la   réclame   est aussi,   une des caractéristiques de notre époque. On éprouve   un  irrésistible   besoin   de   faire parler de soi, de voir son nom imprimé dans les gazettes. Si bien qu'interviewés  et intervieweurs s'accordent parfaitement, sont « du  même  bateau»  et se  prêtent mutuel appui. Il y a seulement quelque quinze à vingt   ans,   ces   procédés auraient paru monstrueux et le précurseur qui se serait avisé de les essayer aurait été exposé à de sérieux désagréments. Aujourd'hui, le reportage intime est accepté de tous et bien rares sont les personnages assez hardis pour éconduire un monsieur inconnu qui, un carnet à la main, vient s’enquérir de leurs goûts, de leur façon de vivre, inspecter leur mobilier et leur demander une confession publique. Ils sont innombrables, ceux qui, loin de fuir l'indiscret, le sollicitent et souvent même le remercient et le récompensent.
Pourtant, de temps à autre, éclate un scandale qui montre les graves inconvénients de ces façons d'agir. Tout Paris s'est ému des révélations publiées, cette semaine, sur Marie Curie. Un journal a osé raconter que l'illustre veuve, honorée, admirée de l'univers entier, avait détourné de ses devoirs un éminent professeur du Collège de France, M. Langevin, lequel, pour la suivre, se serait évadé du domicile conjugal. Jusqu'à présent, nul ne suspectait la vertu de Mme Curie. Il semblait que. cette savante, vouée à d'austères travaux, titulaire d'une chaire en Sorbonne, candidate à l'Institut, fût le type même de la femme sérieuse; sa physionomie, sa robe noire, son visage viril, a personne dénuée de coquetterie et de grâce (sic ! En gros, si Mme Curie est une femme sérieuse, c’est surtout parce qu’elle est moche… NDMM), paraissaient exclure toute idée de frivolité. C'a été un cri d'incrédulité et de stupeur dans le monde académique et dans le public. On ne voulait pas croire à une si monstrueuse aventure. Les intéressés protestèrent avec énergie contre cette allégation, Pourtant, Mme Langevin se plaint effectivement de l’abandon de son mari et prétend posséder des lettres qui contiendraient les preuves de l'inconduite de ce dernier. Peut-être, égarée par la jalousie, est-elle dupe des apparences et attribue-t-elle un caractère suspect à des sentiments de pure amitié. Quoi qu'il en soit, il est odieux que de tels faits soient divulgués par la voix des journaux et portes a la connaissance de la   foule.   Sur ce point,  il n'y a pas deux opinions. Ces mœurs sont intolérables .
je me rappelle une assez bonne histoire que racontait volontiers Emmanuel Arène, rédacteur du XIXe- Siècle, avec About et Sarcey…..(suit une anecdote un peu longue que j’ai coupe au scan)
Songez au dommage moral qu'éprouvent, à cette heure  Mme Curie et M. Langevin, qui n'ont, probablement (sic… parce que l’auteur, qui condamne les allégations de son confrère, les porte tout de même à la connaissance de ses lecteurs à lui…et laisse planer le doute), aucun acte répréhensible à sel reprocher. C'est abominable (1").
Le remède? Il serait très simple, si vraiment de pareils abus révoltaient nos contemporains et si, d'un consentement unanime, on voulait y mettre un terme.  On n'aurait simplement, comme l'a indique le législateur Vézian, qu'à emprunter aux Anglais la loi qui, chez eux, infligent des dommages-intérêts énormes pour la moindre atteinte portée à l'honorabilité, à la respectabilité, au secret du "home". (Il est presque comique de voir qu’en 1911, on citait la presse anglaise en exemple : après des années de Thatchérisme et de Blairisme, les patrons de presse, c’est à dire les patrons tout court, ont compris l’intérêt qu’il y avait à décerveler la population, et ils semblent fort bien y arriver. Exemple qui fait d’ailleurs école chez nous).  En France, Les magistrats accablent de mois de prison le filou qui a volé un porte-monnaie. La propriété est gardée avec toute la férocité du Code romain, impitoyable aux fripons. En revanche, ils croient avoir fait tout leur devoir, quand ils ont puni de seize francs de dommages-intérêts les diffamations les plus révoltantes. En période électorale, cela ne compte même pas, et l'on peut impunément flétrir d'honorables familles, pourvu que ce soit pour le bon motif : celui de l'élection. Nos mouchoirs et nos porte- monnaie sont bien protégés : malheur à celui qui y touche! Par contre, notre honneur est à la merci du dernier des malfaiteurs de plume...
Va-t-on, enfin, prendre des mesures? J'en doute. La loi défensive et protectrice ne serait votée que si l'opinion l'imposait. Or, l'opinion se montre indécise, molle, flottante... Au fond, le cabotinage est dans nos mœurs.

(1)  l’auteur de l’article vient d’exprimer ses regrets et ses excuses à Marie Curie. Et cette attitude lui fait honneur

Bref, déjà, en 1911… il y avait du souci à se faire !

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